Stendhal

Textes lus par Gabriel Dufay
et commentés par Philippe Berthier (Paris-III)

Ecole Normale Supérieure Ulm - 2015/2016
Conférence organisée par Marion Bet et Guillaume Djian

Illustration : Battle of the Pyramids, July 21, 1798, François André Vincent, ca 1800, Rogers Fund (1951) Metropolitan Museum of Art (New York) : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/339816

Lien Savoirs : http://savoirs.ens.fr/expose.php?id=2376

Présentation de la conférence


Rêveur solitaire, amoureux constamment déçu, « observateur du cœur humain » et symbole majeur du romantisme français, Henri Beyle, plus connu sous le pseudonyme de Stendhal (1783 – 1842), offre à la postérité une œuvre toujours plus actuelle, livrant des mystères encore irrésolus. Son œuvre unique, caractérisée par l’amour et ses complexités, ainsi que par la quête de soi, fut incomprise de ses contemporains mais parle directement aux lecteurs d’aujourd’hui.

>> Pour une mise au point précise sur la biographie de Stendhal, lire cet article du site Les Conférences de Mathilde.

Philippe Berthier retrace le parcours mouvementé de ce rêveur en proie à ses émotions personnelles au point de le submerger. Il raconte d’abord la naissance du traité De l’Amour, paru en 1822 suite à sa déception amoureuse avec une certaine Métilde. Le malheureux Henri, en proie à une intarissable tristesse, confère à ce traité un attribut thérapeutique, pour contrer la maladie de l’amour. Stendhal attribue au processus de cristallisation son versant amoureux, décrit par le Rameau de Salzbourg (lecture de 5:20 à 17:44), qui fera parler de lui dans les salons mondains.

>> Les articles sur la cristallisation ne manquent pas : on citera l’article indépendant de Jet d’encre.

On constate alors de nombreux échos entre ce traité et le monument littéraire qu’est Le Rouge et le Noir (lecture du chapitre 9, partie I, de 22:19 à 39:03). Le célèbre Julien Sorel, jeune homme fougueux qui tente de tenir la main de Mme de Rênal, illustre l’idée chère à Stendhal que l’amour est une énigme dont on n’a pas la clé, puisqu’il faut l’inventer soi-même – et avec audace.

Mais s’il faut inventer soi-même la clé de l’amour, il faut aussi apprendre à se connaître soi-même. Stendhal n’est pas qu’un théoricien de l’amour ; il est aussi théoricien de l’identité. Pour percer à jour ce mystère humain, c’est une opposition entre un passé idyllique, l’Italie du temps de Rome, et l’« américanisation » déplorable de son époque en pleine industrialisation, qui constitue la nécessité de notre quête identitaire, comme il l’exprime dans L’Italie en 1818 (lecture de Rivages de la mer, de 42:35 à 49:02). Le souvenir du passé culturel permet de mieux nous comprendre dans nos émotions les plus profondes.

Il n’y a donc qu’en Italie que chacun peut jouir pleinement de ce qu’il est et exprimer sans vanité sa passion de vivre. Le mythe italien exalte cette capacité d’assumer sa puissance et son désir.

>> Sur le mythe italien, voir cet article de C. Broussas, dans lequel il résume l’ensemble des affinités qui lient Stendhal à cet espace de tous les possibles.

Dans L’Abbesse de Castro (lecture du chapitre 1 de 55:21 à 1:06:15), l’idéal de force et d’énergie est véritablement exalté par la description de brigands dans une Italie rêvée. Mais si cet idéal italien est synonyme de bonheur et de joie de vivre, l’autobiographie échoue à exprimer ce bonheur indicible, justement parce qu’il est trop puissant pour être écrit. Avec la fin avortée de Vie de Henry Brulard (lecture de 1:11:17 à 1:17:51), l’auteur emblématique de la plénitude nous prouve finalement qu’en effet, quand il ne s’agit pas de roman, on échoue toujours à parler de ce qu’on aime.

>> Sur la démarche heuristique de la Vie de Henry Brulard, voir l’article de M.-I. Mena-Barreto.

Victor Malzac

Références des textes lus


1. Le sens amoureux du terme de cristallisation : De l'Amour (« Le rameau de Salzbourg »)

2. Le Rouge et le Noir, 1ère partie, chapitre 9 : « Une soirée à la campagne »

3. Rivages de la mer (L'Italie en 1818)

4. L'Abbesse de Castro, chapitre 1

5. Vie de Henry Brulard, chapitre 46