Madame de Lafayette

Textes lus par Marie-Sophie Ferdane
et commentés par Hélène Merlin-Kajman (Paris-III)

Ecole Normale Supérieure Ulm - 2015/2016
Conférence organisée par Marion Bet et Guillaume Djian

Illustration : Neuf hommes et femmes dans une bibliothèque (Negen mannen en vrouwen in een bibliotheek), anonymous, 1700 – 1800, Rijksmuseum (Amsterdam) : http://hdl.handle.net/10934/RM0001.COLLECT.619118

Lien Savoirs : http://savoirs.ens.fr/expose.php?id=2200

Présentation de la conférence

Madame de La Fayette (1634 – 1693) est connue pour son œuvre La Princesse de Clèves, monument de la littérature française. Mais cette œuvre si citée est-elle née de sa seule plume ? C'est une question que les exégètes se sont posée et qui reste aujourd'hui sans réponse certaine. Dans ses lettres, Madame de La Fayette s'est toujours défendue d'être auteure de romans, genre déconsidéré au XVIIème siècle. Pourtant il était de notoriété publique qu'elle écrivait remarquablement bien, et ses contemporains lui attribuaient plusieurs titres dont La Princesse de Clèves.  A notre époque, Camille Esmein-Sarrazin, qui a dirigé la publication des œuvres de Madame de La Fayette dans la collection La Pléiade, partage leur avis : Madame de La Fayette serait bien l'auteure de ces romans qui portent son nom depuis plusieurs siècles.

Partie 1 - Madame de La Fayette et le goût du secret

Néanmoins, pour Hélène Merlin-Kajman, professeure invitée pour cette soirée La Voix d’un Texte, les seuls textes qui peuvent être attribués de façon irréfutable à Madame de La Fayette sont ses lettres et un étrange portrait de Madame de Sévigné. Ce dernier est paru dans un recueil dédié à la Grande Mademoiselle, femme qui pourtant détestait le cercle des Précieuses dont Madame de La Fayette et Madame de Sévigné faisaient partie.

> Lecture du portrait à 00:07:05.

Dans ce cours texte, Madame de La Fayette décrit son amie d'une façon tout à fait inattendue : elle prend le point de vue d'un inconnu qui la regarde. Ce portrait révèle donc une passion du secret et du déguisement (ces contemporains qui l'appelaient « le brouillard », en attestent) et il est évident qu'elle s'y cache en tant qu'écrivaine. Ce portrait permet aussi de saisir plus précisément ce qu'est une Précieuse. Il ne s'agit pas de voir Madame de La Fayette et son amie comme la Magdelon des Précieuses ridicules de Molière. Dans sa pièce, le dramaturge a grossi et défiguré les traits des femmes lettrées de ces années. Hélène Merlin-Kajmanpréfère les considérer comme les « jansénistes de l'amour », selon la formule de Scarron. Et en effet, elles sont peu portées sur l'amour. C'est d'ailleurs ce qu'illustre les longs détours de la carte « de Tendre ».

>> La carte de Tendre

>> Pour approfondir la question des Précieuses 

>> Pour une nouvelle lecture des lettres de Madame de Sévigné 

Partie 2 - Madame de La Fayette et l'écriture épistolaire

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne épouse le 15 février 1655, en l'église de Saint Sulpice, à Paris, le comte de La Fayette qui a dix-huit ans de plus qu'elle et avec qui elle aura deux fils. Elle a vingt et un ans lors de son mariage ce qui, pour l'époque, n'est pas jeune. Une fois épouse, elle passe une grande partie de sa vie dans le quartier de Saint Sulpice et voyage parfois dans la campagne autour de Paris. Elle est proche de la cour par son rang et par ses relations, mais elle ne la fréquente pas. Sa mère après la mort de son père s'est remariée en 1650 avec Renault de Sévigné qui est l'oncle par alliance de la célèbre Madame de Sévigné. Les deux femmes deviendront très amies. Sur sa vie, on ne sait presque rien d'autre, excepté qu'elle était souvent souffrante et qu'elle sortait rarement. Avec si peu de détails, Hélène Merlin-Kajmans'interroge : à quel rythme battait le cœur de Madame de La Fayette ? Était-elle une femme froide et indifférente comme le laissent croire certaines lettres, ou était-elle une passionnée dans ce milieu où la question des sentiments se posait sans cesse ?

> Lecture de la lettre du 16 octobre 1667 de Mme de La Fayette à Gilles Ménage à 00 :21:55.

> Lecture d'une lettre de Mme de La Fayette à Mme de Sévigné 00:25:00.

Madame de Sévigné s'était plainte de son silence. Madame de La Fayette lui répondit d'une façon moqueuse et désinvolte. Ce ton à la mode tranche avec le style des œuvres romanesques.

Hélène Merlin-Kajman souligne également que le XVIIème fut un siècle étrange où brutalité et sentiments distingués se juxtaposent. Le cœur lui-même a ses moments de folie violente et ses instants de douceurs mondaines. Dans les œuvres romanesques de Madame de La Fayette, ces alternances sont remarquables. Dans les lettres, il s'agit davantage d'une cohabitation entre des descriptions de souffrances physiques et la formulation raisonnée de maximes. Sous la plume de l'épistolière, les méandres du cœur deviennent une typologie. Les mouvements du « moi », une nouvelle fois après Montaigne, sont étudiés.

> Lecture d'une lettre de 1673 de Mme de Sévigné 00 :36:33.

Partie 3 - Les romans

La princesse de Montpensier, parue anonymement en 1662, a sûrement été écrite avec Ménage et La Rochefoucauld. Le récit est rythmé par les guerres civiles du règne de Charles IX. Au désordre politique se mêle le désordre des sentiments. Mademoiselle de Mézière est amoureuse du duc de Guise. La passion est réciproque. Néanmoins, elle épouse le prince de Montpensier. Peu après leurs épousailles, il la laisse sur ses terres à Champigny sous la tutelle de son ami intime, le comte de Chabannes. Le comte tombe amoureux de la jeune femme. Il le lui avoue. Mais la différence de statut social, fait qu'elle reste indifférente. Quelques semaines plus tard, au cœur de ses terres, elle recroise par hasard le duc de Guise. Débute alors leur liaison adultère.

>>Lecture d'un extrait de La Princesse de Montpensier à 43:38 :50.

>> Pour approfondir votre connaissance de ce roman

Le mélange de brutalité et de beaux sentiments présent dans La Princesse de Montpensierse retrouve dans La Comtesse de Tende, publié en 1718, après la mort de La Fayette. Dans ce court roman, Mademoiselle de Strozzy est mariée au comte de Tende. Passionnément amoureuse de son mari, elle est humiliée par son indifférence. Mademoiselle de Strozzy est aussi l'amie intime de la Princesse de Neufchâtel. Cette riche princesse est amoureuse du chevalier de Navarre, prince puissant mais sans fortune qui l'a séduite par intérêt. Il est, lui, l'intime du Comte de Tende. Ce dernier pousse sa femme à intriguer pour l'union de la Princesse de Neufchâtel et du Comte de Navarre. Évidemment, la Comtesse de Tende et le Comte de Navarre tombent passionnément amoureux. Il veut refuser la Princesse, la Comtesse l'y pousse. Après le mariage, le Chevalier meurt alors que la Comtesse est enceinte de lui.

> Lecture de la lettre de la Comtesse de Tende au Comte de Tende à 01:02:00.

Enfin, Zaïdeest un roman plus complexe et plus long. Pour Hélène Merlin-Kajman, ils'apparente davantage aux grands romans héroïques du début du siècle. Il paraît en 1670 sous le nom de Segray, un ami de Madame de La Fayette. Il est précédé d'un court traité sur le roman de Huet. Aujourd'hui encore, on ne sait pas vraiment qui l'a écrit.

> Lecture d'un extrait de Zaïde à 01:10:00.

Avec La Princesse de Clèves, le style change.Le « moi » prend plus d'importance et la violence est mise à l'écart. C'est ainsi que le Prince de Clèves meurt de jalousie sans formuler de désir de vengeance. La passion amoureuse est en fait plus intériorisée. Le cœur a grandi, s'est développé, et a gagné en maturité. C'est l'étude de ces mouvements du cœur qui a fait la renommée de l'ouvrage. Une question galante de De Visée est d'ailleurs devenue célèbre : une femme de vertu fait-elle bien de confier sa passion à son mari ? Cela est-il vraisemblable ? Cela est-il vertueux ?

>> Pour approfondir votre connaissance de ce roman

Bien d’autres encore se sont interrogés sur le sens de ce roman. En 1678, peu après la publication, paraissent les lettres de Valencourt à propos de la Princesse de Clèves. Il s'y montre très critique. Lui répondent les conversations enthousiastes mais alors anonymes de l'abbé de Charme.

> Lecture de deux extraits des conversations de l'abbé de Charmes à 01:22:20.

Finalement, que Madame de Lafayette soit seule auteure de La Princesse de Clèves ou non, que l’action soit toujours vraisemblable ou non, cette œuvre ne demeure pas moins l’un des premiers romans modernes et il est toujours à compter parmi les plus grands.

>> Pour en savoir plus sur Madame de La Fayette

>> Pour en savoir plus sur Madame de La Fayette et ses œuvres romanesques

Capucine Zgraja.


Références des textes lus


  1. Portrait de Madame de Sévigné à 00:07:05
  2. Lettre du 16 oct 1667 de Mme de La Fayette à Gilles Ménage à 00 :21:55
  3. Une lettre de Madame de La Fayette à Madame de Sévigné à 00:25:00
  4. Une lettre de 1673 de Madame de La Fayette à 00 :36:33
  5. La Princesse de Montpensier à 43:38 :50
  6. La Comtesse de Tende 01:02:00
  7. Zaïde à 01:10:00
  8. Conversations sur la Princesse de Clèves, de l'abbé de Charmes à 01:22:20